Le côté de la vie, par Gisela Avolio

Publié 1/3/2022 en magazine numérique En el Margen

https://enelmargen.com/2022/03/01/corresponsales-de-urgencia-el-lado-de-la-vida-por-gisela-avolio/

Dans le « champs » de la psychanalyse –si nous pouvions lui attribuer la qualité d’en former un, car cela demanderait une constante unificatrice– certaines questions et certains arguments sont susceptibles de perdurer dans le temps.

L’une d’entre elles est : « Pourquoi la guerre ? » (1) Question qui était en tête aussi d’une lettre ouverte de Freud répondant à une question qui lui avait été adressée par Albert Einstein : « existe-t-il un moyen par lequel l’homme peut se libérer de la menace de la guerre ? »

Le pourquoi de la guerre, 89 ans après sa formulation, continue à être une question simple et contondante, du style du professeur Freud, et dont la validité inquiète beaucoup d’entre nous en ce moment, même si je ne dirais pas la plupart, bien sûr.

Cet article, avec d’autres qui forment la doctrine freudienne, comme Totem et tabou ; Le malaise dans la culture ; Psychologie des masses et analyse du moi ; les Leçons d’introduction... ; les Considérations actuelles sur la guerre et la mort, etc... contiennent les recherches qui abordent et anticipent la question de la pulsion de mort. Certains de ces développements sur la vulnérabilité humaine, la cruauté, le narcissisme des petites différences, la tyrannie, l’omnipotence, l’agressivité, la prétention de domination, prennent une dimension différente lorsque la Première Guerre éclate. Ce qui persiste, dans tous les cas, est le trébuchement inexorable sur la force tannaïtique qui se complait à la destruction de son propre lieu (2), une force a caractère démoniaque qui aspire toujours à un malaise que le propre sujet peut préférer.

La vie n’est pas un conte de fées comme nous voulons croire, Freud nous le prévient, car à la fin il n’y a pas d’extermination du mal. Et ces titans, Eros y Thanatos, matérialisés dans la pulsion, mènent la bataille culturelle pour le programme de la culture.

Ainsi, nous trouvons dispersés dans ses écrits des commentaires brefs et précis, parfois ironiques sur l’État, mais jamais avec la prétention d’une théorie totalisante.

Il est connu, également, que la psychanalyse en tant que discours a des limites, puisqu’elle n’est pas une vision du monde. Elle est plutôt un discours impossible (ainsi que gouverner et éduquer), qui cherche à accueillir cette impossibilité et à en y faire. Une réponse merveilleuse de Freud à Whilheim Reich et sa prétention de prévenir la névrose montre clairement comment Herr Professor forgeait l’impossible dans le cœur du discours : « c’est n’est pas notre but ni la fin de notre existence (référence à la psychanalyse) de sauver le monde ». (3)

Cependant, et malgré l’apolitisme que certains ont voulu lui supposer lorsque, à la question de Max Eastman, « qu’êtes-vous politiquement ? », il a répondu « politiquement, je ne suis rien », Freud a distillé une position éthique et humaine face aux faits de la culture.

Joan Rivière raconte, dans la biographie de Freud faite par Jones que, lors des critiques qu’on lui faisait du fait de ne pas se définir face à la montée du fascisme, de n’être ni blanc, ni noir, ni rouge, il a répondu que politiquement, il fallait être d’une seule couleur : la couleur chair. (4)

La neutralité de l'analyste équivaudrait-elle à une insensibilité ? Définitivement non. Et je considère que c’est l’orientation freudienne, puisque si l’abstinence de l’analyste -limitée par le dispositif- s’expose à quelque chose, ce sera de ne pas supposer savoir quel est le Bien du sujet si ce n’est que dans une éthique du désir, comme Lacan nous l’a appris. Mais rien n’empêche que sa sensibilité le fasse se reconnaitre dans la couleur chair, en s’opposant ainsi á ce qui implique un attentat a la valeur de la vie. Une valeur qui n’est jamais plus grande pour les uns que pour les autres.

Dans ce sens, je pense qu’une position qui reste politique est possible, mais sans s’habiller de l’identification a un drapeau, mais de la défense (concept cher a Freud) de la vie. Dans le champ de la psychanalyse, prendre parti à chaque fois, c’est être du côté de la vie.

Traducteur: Silvia Wahl

Bibliographie

  1. 1)  https://es.unesco.org/courier/marzo-1993/que-guerra-sigmund-freud-es cribe-albert-einstein

  2. 2)  S. Freud, "Consideraciones de actualidad sobre la guerra y la muerte". 1915. Ed. Hyspamerica. Page 3160

  3. 3)  Wilhelm Reich, "Reich habla de Freud", Ed Anagrana. Page 60

  4. 4)  E. Jones en "Vida y obra de Freud", texte de Joan Rivière. Tome 2, page

    424.

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